
Il est des victoires qui s’éteignent avec le dernier coup de sifflet. Et d’autres, plus rares, qui continuent longtemps après. Au Chili, les Lionceaux de l’Atlas ont laissé derrière eux plus qu’un triomphe : une émotion qui a embrasé tout un peuple.
Ce soir-là, aux abords du stade national Julio Martinez Pradanos de Santiago, après le 2-0 en finale contre une Argentine tutélaire, deux scènes immortalisées par des regards attentifs et vite partagées sur la toile allaient incarner la magie de ce triomphe.
L’une d’elles montre Pedro Carvallo, chauffeur chilien du bus ayant accompagné l’équipe victorieuse tout au long de la compétition. Dans un geste délicat, il fut invité à poser avec la Coupe du monde, comme pour murmurer un « Merci » à ce pays hôte bienveillant.
Jamais Pedro n’aurait imaginé vivre pareille scène. Et pourtant, ce dimanche-là, les Lionceaux de l’Atlas choisirent de partager leur gloire. Il saisit le trophée, le leva haut, puis se plaça devant le bus qui, des jours durant, avait porté les espoirs marocains sur les routes du Chili.
« C’était quelque chose de spontané, il y a eu une très belle relation », confie cet homme humble et discret, à l’âge respectable, vêtu d’un gilet bleu sans manches par-dessus une chemise blanche.
De la réserve initiale à une complicité éclatante, cette image, le trophée entre ses mains, le drapeau marocain en arrière-plan, a ému les Chiliens, qui, dès le début de la finale, souhaitaient ardemment voir le Maroc triompher.
Pedro, lui, n’a rien d’un passionné exalté de football. Et pourtant, il s’est soudain découvert acteur d’une épopée. « Quand ils sont revenus après la zone mixte, ils étaient heureux, certains m’ont embrassé, et j’ai pris des photos avec eux », raconte-t-il.
Puis, dans un souffle admiratif, il ajoute : « J’ai déjà travaillé avec de nombreuses équipes de football. Elles sont souvent désordonnées, parfois un peu agressives, téméraires… Mais ces jeunes-là étaient d’une politesse exemplaire, respectueux, remarquablement humbles ».
Ces mots, dits sans emphase, résonnent comme un hommage : dans un univers sportif souvent gagné par l’orgueil et la démesure, les Lionceaux de l’Atlas ont rappelé que la vraie grandeur réside parfois dans la simplicité des gestes et la noblesse des attitudes.
Sur les réseaux sociaux, une vague d’admiration et de tendresse déferla. « Le Maroc n’a pas seulement remporté le titre, il a conquis le cœur de millions de personnes, et surtout celui du grand peuple chilien », écrivait un internaute, visiblement ému. Une autre, plus lyrique encore, s’enthousiasmait : « Le Maroc représente tout ce qu’il y a de plus beau dans la vie ! ».
Et dans cet élan collectif, certains allaient jusqu’à effacer les frontières et les distances. « Nous sommes tous Marocains ! » proclamait-on, comme si la joie partagée faisait naître une fraternité nouvelle.
La soirée n’avait pas encore livré tous ses frissons. Dans un autre geste d’une portée tout aussi symbolique, Othmane Maamma, couronné du Ballon d’or du meilleur joueur, remit ses propres chaussures de match, celles qui avaient foulé le gazon et recueilli la sueur de chaque victoire, entre les mains d’un jeune garçon chilien, venu encourager l’équipe avec ses parents.
Le petit écarquilla les yeux, incrédule, serrant les crampons contre sa poitrine comme s’il tenait un trésor. Sa mère, elle aussi émue, l’enlaça, ses mots suspendus dans l’air : « ، Gracias… Gracias ! ».
Le garçon ne quittait pas des yeux ces crampons encore empreints de gazon, comme si, en eux, se logeait un fragment de l’exploit marocain qu’on venait de lui offrir. Et dans ce geste qui semblerait anodin se révélait la transmission d’un rêve, la magie d’un sport capable de franchir toutes les frontières.
Largement partagées sur la toile et commentées par la presse, ces vidéos sont devenues une véritable parabole : celle d’un Maroc vainqueur, certes, mais surtout porteur d’une humanité contagieuse.
On parlait d’une victoire « douce et digne », d’une délégation « qui a gagné l’affection » du pays hôte. le site 24horas titrait : « Le Chilien qui a célébré le titre de la Coupe du monde des moins de 20 ans avec le Maroc : ‘c’était une manière de dire Merci’ ».
Pour Pedro Carvallo comme pour le jeune fan chilien, ces instants resteront gravés. Pour les Marocains, peut-être, la certitude d’avoir conquis plus qu’un titre : un peuple, son respect et une place singulière dans le cœur du Chili. La générosité demeure un langage universel. Et, parfois, le plus précieux des trophées n’est point celui que l’on soulève sur un podium, mais celui que l’on offre, avec la pureté des gestes qui viennent du cœur.



